RDC-Rwanda : un accord de paix scellé à Washington sous l’égide des États-Unis

Sous la houlette de Donald Trump, Kigali et Kinshasa ont signé un accord inédit pour mettre fin à deux décennies de tensions dans l’Est de la RDC. Entre promesse de retrait militaire, engagements économiques et influence géopolitique américaine, les enjeux dépassent la simple poignée de main.
Ce vendredi 27 juin 2025, une page de l’histoire contemporaine des Grands Lacs a été tournée, ou du moins esquissée. La République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont officiellement signé un accord bilatéral de paix à Washington, mettant fin à une hostilité ouverte qui a alimenté guerres, déplacements massifs et drames humanitaires dans l’Est congolais depuis plus de deux décennies.Ce document, signé entre la ministre congolaise des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner et son homologue rwandais Olivier Nduhungirehe, a été parrainé par les États-Unis, avec une implication personnelle de Donald Trump, ancien président et candidat républicain à la présidentielle américaine.
Ce que contient l’accord : sécurité, économie et engagement mutuel
Le contenu de l’accord s’articule autour de trois piliers fondamentaux :
1. Retrait militaire et fin des hostilitésLe Rwanda s’engage à retirer toutes ses troupes non déclarées du territoire congolais dans un délai de 90 jours. En contrepartie, Kinshasa accepte de démanteler les groupes armés anti-rwandais, notamment les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), présents dans le Kivu depuis les années 90.Par ailleurs, le soutien de part et d’autre aux groupes rebelles M23 pour Kigali, milices locales pour Kinshasa devra cesser immédiatement, selon les termes de l’accord.
2. Création d’un Mécanisme conjoint de surveillance sécuritaireInspiré du processus de Luanda, ce mécanisme impliquera des représentants des deux pays, supervisé par des observateurs américains et qataris. Il aura pour mission de surveiller les mouvements militaires, les violations frontalières et les engagements humanitaires dans la région.
3. Partenariats économiques, minerais stratégiques en jeuL’accord ouvre également la voie à une coopération économique renforcée : électrification transfrontalière, écotourisme dans les parcs des Virunga et des Volcans, et surtout, exploitation des ressources minières sous régulation internationale.
Les États-Unis, médiateurs du processus, obtiennent des droits stratégiques sur l’exploitation du cobalt, du lithium et du cuivre, nécessaires à la transition énergétique mondiale. Plusieurs entreprises américaines devraient bénéficier d’un accès prioritaire à certains gisements congolais.
Trump en sauveur des Grands Lacs ?

Véritable artisan de l’accord, Donald Trump, en pleine campagne présidentielle, n’a pas manqué de souligner son rôle. Lors de la signature, il a déclaré : « Nous avons mis fin à une guerre que personne n’osait nommer. Grâce à moi, l’Afrique centrale entre dans une ère de paix, de prospérité, et de coopération. »
Une déclaration que ses partisans qualifient de « doctrine Trump pour la paix mondiale », mais que ses détracteurs voient comme une opération de charme aux allures d’opportunisme électoral.Pour rappel, les tensions RDC-Rwanda ont souvent échappé à la diplomatie traditionnelle. C’est donc une percée diplomatique majeure, que beaucoup attribuent au lobbying actif du Qatar discret mais influent à travers son envoyé spécial Massad Boulos, réputé proche de Trump.
Réactions contrastées à Kinshasa et Kigali

À Kinshasa, les réactions oscillent entre espoir prudent et scepticisme historique. Certains analystes dénoncent un accord signé « au nom du peuple congolais mais sans son vrai consentement populaire », pointant l’absence d’un débat parlementaire et la non-consultation des leaders communautaires du Nord-Kivu.
Du côté du Rwanda, Paul Kagame est resté discret, mais ses proches collaborateurs évoquent un accord « équilibré, tourné vers l’avenir, dans le respect mutuel de la souveraineté ».
Sur les réseaux sociaux, de nombreux Congolais réclament que le texte soit publié intégralement et que la justice pour les victimes des exactions dans l’Est fasse l’objet d’un traitement sérieux. Jusqu’ici, aucune disposition claire sur la réparation ou les responsabilités pénales n’a été évoquée dans l’accord.
Un tournant ou un mirage diplomatique ?
Les précédents accords entre la RDC et le Rwanda ont souvent échoué, faute d’application rigoureuse ou à cause de la duplicité des engagements. Cette fois, les États-Unis, en engageant leur crédibilité stratégique et leur intérêt économique, misent sur une pression constante pour faire respecter le texte.
Mais tout dépendra, au final, de la volonté politique réelle des deux États et de la capacité à désarmer les groupes armés, y compris le M23, qui reste absent du processus direct.
L’accord de Washington a tout d’un chef-d’œuvre diplomatique sur papier. Il symbolise la convergence de plusieurs intérêts : le besoin de paix en Afrique centrale, l’accès aux minerais stratégiques pour l’Occident, et le désir de Trump de marquer l’histoire. Mais la vraie question reste en suspens : les populations meurtries de l’Est de la RDC verront-elles un changement concret ?
La paix ne se juge pas à la signature d’un document dans les salons dorés de Washington, mais à la sécurité retrouvée dans les collines de Rutshuru, à l’école reconstruite à Bunagana, et à la dignité restaurée des déplacés de Goma. Si les kalachnikovs se taisent vraiment, alors ce 27 juin 2025 restera comme un jour de victoire. Sinon, il ne sera qu’un chapitre de plus dans l’interminable tragédie congolaise.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS