RDC-Rwanda : « La justice est absente du texte, mais au cœur du processus » selon Thérèse Wagner

Le dialogue entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, engagé pour trouver une solution durable au conflit régional lié à la présence de groupes armés sur le sol congolais, progresse. Toutefois, l’absence explicite de la justice dans le texte de l’accord soulève de nombreuses interrogations. Pour Thérèse Wagner, analyste reconnue en relations internationales, cette omission n’est qu’apparente. La justice, selon elle, reste au cœur du processus, même si elle ne s’exprime pas dans les termes attendus.
Une médiation politique avant tout
Le texte de l’accord négocié entre Kinshasa et Kigali privilégie une approche politique, pragmatique et graduelle. « La justice formelle ne figure pas explicitement dans le texte, mais elle reste une dimension fondamentale dans le processus de paix », explique Mme Wagner. Cette stratégie vise à éviter les écueils classiques des négociations où l’exigence de poursuites judiciaires immédiates peut entraîner un blocage des discussions.
Pour les protagonistes, il s’agit d’abord de bâtir la confiance et de mettre fin aux hostilités par des mesures concrètes telles que la démobilisation des groupes armés, le désarmement et la réintégration progressive des combattants dans la vie civile. « Ce choix traduit une volonté d’éviter que la justice, souvent perçue comme un instrument de vengeance, ne compromette la paix », souligne l’experte.
La justice, un enjeu latent mais central
Malgré son absence apparente dans le texte, la justice ne disparaît pas du processus. Elle est envisagée dans une phase ultérieure, sous la forme de mécanismes de justice transitionnelle et de réconciliation, qui permettront de répondre aux attentes des victimes et de la société civile.
« Ce n’est pas un abandon, mais une mise en attente », insiste Thérèse Wagner. Le but est d’instaurer un cadre sécuritaire stable, préalable indispensable à la mise en place d’institutions judiciaires efficaces et crédibles. Ces institutions auront pour mission de traiter les crimes de guerre, les violations des droits humains et d’assurer un processus de réparation.
Un équilibre difficile à trouver
La démarche politique adoptée cherche à concilier deux exigences majeures : la paix immédiate, qui passe par la cessation des violences et la sécurité des populations, et la justice, qui est une condition indispensable à la réconciliation et à la reconstruction durable.Ce compromis est loin d’être simple. Les victimes des violences, souvent marginalisées, réclament des réponses rapides et efficaces, tandis que les autorités politiques privilégient la stabilité et la paix, parfois au prix d’un retard dans le traitement judiciaire.Plusieurs acteurs internationaux, dont l’Union africaine et l’ONU, soutiennent cette approche graduelle, qui doit permettre de ne pas compromettre les efforts de paix par des demandes trop rigides, mais aussi d’assurer que la justice ne soit pas oubliée.
Enjeux et perspectives pour la région
La résolution du conflit armé dans l’Est de la RDC est un défi majeur pour la sécurité régionale. La coopération entre Kinshasa et Kigali est une étape cruciale vers une paix durable, susceptible de stabiliser la région des Grands Lacs, longtemps marquée par des conflits violents et des crises humanitaires récurrentes.
Le succès du processus dépendra largement de la capacité des deux pays à respecter leurs engagements, à impliquer toutes les parties prenantes, y compris les groupes armés, la société civile et les communautés locales.
Par ailleurs, la question de la justice transitionnelle devra être abordée avec rigueur et transparence afin d’éviter toute impunité et de garantir la reconstruction sociale.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS