Nord-Kivu : à Ikobo, les jeunes fuient les travaux forcés imposés par l’AFC/M23

Dans le groupement Ikobo, les populations de Buleusa et Rusamambu subissent des travaux forcés imposés par les rebelles de l’AFC/M23. Face à cette situation jugée proche de l’esclavage, plusieurs jeunes ont pris la décision de fuir ces agglomérations, tandis que ceux restés sur place endurent quotidiennement ces abus.
Au cœur du groupement Ikobo, dans la province du Nord-Kivu, la vie des habitants est rythmée par des contraintes imposées par les rebelles de l’Alliance des Forces Combattantes (AFC/M23). Plusieurs témoignages recueillis par ACTUALITE.CD font état de travaux forcés obligatoires, notamment à l’encontre des jeunes, contraints de fournir main-d’œuvre aux combattants sans distinction d’état ou d’âge.
« J’ai fui Buleusa il y a une semaine. Les rebelles imposent à tout le monde de travailler pour eux. S’ils n’ont pas de bois de chauffe, c’est la population qui doit aller couper les bois pour eux. La cible c’est nous les jeunes. Chaque semaine, il faut aller couper les bois et les transporter jusque dans leur camp. C’est vraiment de la souffrance. Vous osez vous opposer, c’est la torture qui va suivre. Comme je n’ai pas pu supporter ces actes, j’ai décidé de quitter la zone », confie un jeune rescapé de cette situation.
Le phénomène de fuite est massif chez les jeunes qui, pour éviter ces corvées forcées, choisissent l’exil loin de Buleusa et Rusamambu. Mais sur place, la population continue de subir. À Rusamambu, des femmes, qu’elles soient mariées ou non, sont quotidiennement contraintes de puiser de l’eau matin et soir pour les rebelles.
« Cela est devenu notre travail quotidien. Nous sommes déjà habituées et l’on ne se plaint plus, car même si nous nous plaignons, qui va nous écouter et nous délivrer de cet esclavage ? », s’interroge une habitante résignée, soulignant l’absence totale de recours face à ces abus. Elle ajoute que la seule échappatoire possible reste de quitter la zone.
Cependant, cette option n’est pas accessible à tous. Un autre habitant, père de neuf enfants, exprime son désarroi :
« J’ai une femme et 9 enfants. Nourrir tous ces ventres en dehors de ses champs n’est pas aussi facile. Un homme comme vous qui vous demande devant vos enfants de transporter de l’eau pour lui, d’aller couper des bois de chauffe pour lui, de creuser des toilettes pour lui, c’est humiliant. Je veux bien partir car la souffrance a dépassé le seuil du tolérable mais pour aller où ? Avec quels moyens ? »
Ainsi, si certains parviennent à fuir, d’autres sont contraints de rester, supportant la lourde charge de ces travaux forcés. Ceux qui demeurent dans les agglomérations de Buleusa et Rusamambu continuent de payer un lourd tribut, en s’épuisant au service des rebelles de l’AFC/M23, dans une vie marquée par la peur et la précarité.
La situation à Ikobo illustre la gravité des atteintes aux droits humains dans les zones contrôlées par les groupes armés au Nord-Kivu. Tant que ces pratiques d’asservissement perdureront, la fuite restera pour beaucoup la seule issue, creusant un cercle vicieux d’insécurité et de souffrance pour les populations civiles.
