Nord-Kivu : les enseignants conditionnent la rentrée scolaire 2025-2026 au paiement de six mois d’arriérés

À quelques jours de la rentrée scolaire prévue le 1er septembre, les enseignants de Masisi et Rutshuru refusent de reprendre le chemin des classes sans règlement de leurs arriérés de salaire et primes en souffrance depuis plusieurs mois.
La rentrée scolaire 2025-2026 s’annonce compromise dans plusieurs territoires du Nord-Kivu. Les enseignants de Masisi et Rutshuru, deux zones particulièrement touchées par les conflits armés, ont décidé de hausser le ton. Leur message au gouvernement congolais est clair : pas de salaire, pas de rentrée.Selon les syndicats locaux, la majorité des enseignants n’ont pas touché de rémunération depuis plus de six mois. Seuls quelques agents de Masisi auraient perçu sporadiquement leurs salaires des mois de mars et mai, laissant la grande majorité sans ressources.
Au-delà des salaires, les primes dites de « gratuité » et les frais de fonctionnement connaissent également des irrégularités inquiétantes. Depuis le début de l’année, seule une prime a été payée, ce qui plonge davantage ces fonctionnaires dans la précarité.Bandu Bauma Exauce, représentant de la Force syndicale des enseignants du Congo (FOSYNAT) dans le territoire de Masisi, résume ce désarroi :
« Pendant que le 1er septembre approche, beaucoup de parents s’activent déjà pour acheter les fournitures de leurs enfants. Mais nous, enseignants, qui allons nous payer ces cahiers, ces stylos ou ces uniformes pour nos propres enfants ? Sommes-nous des parents de seconde zone ? »
Et d’ajouter, avec un ton d’indignation :
« Nous demandons au gouvernement de s’impliquer sérieusement et que la Caritas puisse payer les enseignants. Comment préparer la rentrée de nos enfants quand nous-mêmes, fonctionnaires de l’État, sommes totalement abandonnés ? »
Les inspecteurs rejoignent la contestationLa colère ne s’arrête pas au corps enseignant. Les inspecteurs d’enseignement du Nord-Kivu II, réunis en assemblée générale extraordinaire le 20 août, ont également dénoncé le non-paiement de leurs primes liées à la surveillance des examens nationaux.
Ils réclament le versement du solde des primes de prestation, ainsi que celles de « fonction spéciale » et d’itinérance, indispensables pour exercer leur mission dans des zones parfois reculées et sous menace permanente des groupes armés.
« Lorsque nous devons nous rendre à Kamango ou à Kirumba, nous nous exposons à la mort. Mais avec quels moyens allons-nous assumer ces déplacements ? », interroge un membre du Syndicat national des inspecteurs d’enseignement au Congo (SYNIECO), rappelant qu’« organiser des examens sans budget, c’est exposer la qualité même du système éducatif ».
Des promesses encore sans suite
Face à la pression, la ministre d’État à l’Éducation nationale, Raïssa Malu Dinanga, a rencontré les leaders syndicaux à Kinshasa le 21 août, dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire. Officiellement, il s’agissait de faire le point sur les engagements pris lors des assises de Bibwa en 2024. Mais sur le terrain, les syndicats restent sceptiques.
Le président de l’intersyndical, Godefroid Matondo, a salué « la volonté de dialogue » de la ministre, tout en martelant que « les attentes des enseignants et inspecteurs sont urgentes et concrètes ».
Dans le Nord-Kivu, la persistance de l’insécurité et l’arrêt de nombreuses activités bancaires compliquent encore plus le paiement des salaires. En mars dernier, Kinshasa avait promis de prendre en charge les enseignants non rémunérés. Six mois plus tard, cette promesse reste lettre morte.
À moins d’une semaine de la rentrée, l’impasse entre enseignants, inspecteurs et gouvernement reste entière. Si aucune solution n’est trouvée rapidement, des milliers d’élèves risquent de voir leurs écoles fermées dès le premier jour de classe.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS