Procès Mutamba : la validité d’un marché approuvé par silence administratif au cœur des débats

Dans l’affaire de détournement présumé de plus de 19 millions de dollars, la défense de Constant Mutamba s’appuie sur un argument juridique controversé : l’approbation tacite d’un contrat par le silence de l’ARMP.
La tension reste palpable à la Cour de cassation, à Kinshasa, où se poursuit le procès de Constant Mutamba, ancien ministre de la Justice, accusé de détournement présumé de 19 689 975 dollars américains dans le cadre d’un marché public attribué à la société Ifraco Construction.
Lors de la dernière audience, un expert de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) a été appelé à la barre pour éclairer la Cour sur les conditions dans lesquelles ce marché a été approuvé. Sa déposition a relancé le débat autour du silence administratif dans l’attribution des marchés publics.
« Nous n’avons pas répondu dans les dix jours, ce qui, selon les textes en vigueur, vaut approbation tacite », a reconnu l’expert de l’ARMP devant les juges.
Ce témoignage appuie la ligne de défense de Constant Mutamba, selon laquelle l’octroi du contrat à Ifraco Construction ne violerait aucune procédure, puisque la non-objection de l’ARMP aurait été obtenue par défaut, conformément aux règles encadrant les marchés publics.
« Il ne peut y avoir détournement lorsqu’un contrat est passé dans le respect formel des procédures prévues par la loi », a plaidé Me John Kabeya, avocat de l’ancien ministre, affirmant que « la défense ne fait que rappeler le droit ».
Mais du côté du ministère public, on dénonce un procédé douteux, soulignant l’absence de transparence dans l’attribution du marché et s’interrogeant sur l’opportunité d’un contrat d’une telle envergure sans validation explicite.
« Peut-on engager près de 20 millions de dollars sur la base d’un silence administratif ? », a lancé un représentant de l’organe de la loi, pointant un « manque flagrant de diligence » de la part de l’administration.
La société Ifraco Construction, bénéficiaire du contrat en question, a elle aussi été citée. L’organe judiciaire n’a toutefois pas précisé si ses responsables seront entendus en tant que parties civiles ou témoins.
Le procès, qui a déjà suscité un vif intérêt médiatique et politique, s’annonce long et technique, entre joutes juridiques, arguments de procédure et considérations budgétaires. La défense a demandé la comparution de plusieurs hauts fonctionnaires du ministère des Finances et des Infrastructures.
Le verdict, attendu dans les semaines à venir, pourrait faire jurisprudence quant à l’usage du silence administratif dans la passation des marchés publics en RDC. En attendant, c’est l’équilibre entre responsabilité politique et rigueur juridique qui se joue au cœur de ce procès retentissant.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS