IMG 20251001 WA0013 2

Tshopo : entre tabous et réalités, l’avortement sécurisé sous la loupe des soignants

À Kisangani, la Journée mondiale de l’avortement sécurisé a donné la parole aux professionnels de santé. Entre manques de moyens, limites juridiques et nécessité de sauver des vies, médecins et infirmiers plaident pour un meilleur encadrement afin de réduire les risques liés aux avortements clandestins.

Chaque 28 septembre, le monde s’interroge sur une pratique qui divise, l’avortement sécurisé. Dans la Tshopo, le Réseau des Journalistes pour la Santé Sexuelle et Reproductive (RJSSR) est allé à la rencontre des soignants pour comprendre leurs réalités de terrain.

« Nous ne faisons pas la promotion de l’avortement, mais nous sauvons des vies »

Pour Mme Clémentine Orepale, infirmière titulaire du centre de santé Mokela-État, l’avortement sécurisé reste une pratique encadrée mais indispensable.

vlcsnap 2025 09 30 17h01m22s144

« Nous avons été formés depuis 2021 par Marie Stopes. Dans notre centre, nous pratiquons en moyenne un ou deux cas par mois, uniquement dans les situations prévues, comme les grossesses issues de viols ou celles qui mettent en danger la santé de la mère », confie-t-elle.

Elle souligne aussi les limites auxquelles les centres de santé sont confrontés :

« Nous n’avons pas les moyens de faire de grandes campagnes de sensibilisation. Et sur le plan matériel, nous travaillons encore avec d’anciens équipements. Nous avons besoin de nouvelles dotations et de formations continues ».

De son côté, Daniel Mwamba Lukoya, infirmier titulaire de la zone de santé Kumbakisaka, insiste sur la nécessité de renforcer les capacités du personnel.

vlcsnap 2025 09 30 17h03m10s350

« Nous avons besoin d’être ré-briefés, de recevoir davantage de formations et de nouveaux équipements. Depuis notre première dotation, nous utilisons encore d’anciens matériels, ce qui freine la qualité des soins ».

Il insiste également sur l’aspect éthique et légal de la pratique :

« L’avortement sécurisé ne doit pas être vu comme une incitation à la débauche. C’est une réponse médicale à des cas précis, encadrée par le protocole de Maputo. Nous travaillons pour protéger la santé des femmes, pas pour encourager les grossesses non désirées ».

Le Dr Sandrine Basila, médecin-directrice du centre médical Batange et responsable au Programme national de santé mentale, met en garde contre les dangers des avortements pratiqués dans l’ombre.

IMG 20251001 WA0013

« Beaucoup de femmes arrivent après un avortement incomplet, avec des complications graves, hémorragies, perforations de l’utérus, infections sévères. Dans ces cas, notre priorité est de sauver des vies ».

Pour elle, la sensibilisation reste essentielle en attendant une meilleure harmonisation entre la loi et la pratique médicale :

« L’avortement sécurisé a sa place. Mais tant que la loi demeure restrictive, nous devons surtout décourager les femmes de recourir aux avortements clandestins. Ces pratiques sont responsables de trop de décès évitables ».

À Kisangani, la Journée mondiale de l’avortement sécurisé aura mis en lumière un paradoxe, les professionnels de santé reconnaissent l’importance de cette pratique pour sauver des vies, mais restent limités par des moyens dérisoires et un cadre légal encore restrictif. Dans un contexte où les avortements clandestins continuent de coûter la vie à de nombreuses femmes, la voix des soignants de la Tshopo rappelle l’urgence d’une prise en charge mieux adaptée et plus humaine.

Publications similaires

Laisser un commentaire