Vers un Dialogue National ? Le CNSA plaide pour une médiation entre Tshisekedi et Kabila face à la crise persistante dans l’Est

Face à l’enlisement du conflit dans l’Est de la RDC, le Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) appelle à une concertation inclusive, réunissant tous les acteurs majeurs, y compris ceux en exil.
Alors que la République Démocratique du Congo demeure confrontée à une crise sécuritaire majeure dans sa partie orientale, le Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral (CNSA) tire la sonnette d’alarme. Dans une déclaration rendue publique jeudi 19 juin 2025, à l’issue d’une plénière, l’institution dirigée par Joseph Olenghankoy met en garde contre une « normalisation sourde » de l’occupation des territoires par les rebelles de l’AFC/M23 soutenus par l’armée rwandaise.
Le CNSA évoque un risque réel : celui d’une balkanisation « silencieuse, mais commode », qui pourrait s’enraciner dans l’indifférence générale. Cette accoutumance à l’anormal, déplore-t-il, isole davantage les populations des zones occupées, les éloignant du reste du pays, sans que cela ne provoque une mobilisation nationale à la hauteur du danger.
Un appel à la cohésion nationale
Pour conjurer cette dynamique délétère, le CNSA propose la tenue urgente d’un dialogue national inclusif. L’objectif : réunir l’ensemble des forces vives de la nation, sans exclusion, pour constituer un front uni contre la déstabilisation du territoire.
Dans cette perspective, le Conseil recommande un rapprochement stratégique entre le Président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila, ainsi qu’avec d’autres figures politiques du pays et de la diaspora. Il charge officiellement son président, Joseph Olenghankoy, d’engager les démarches nécessaires à l’établissement de conditions favorables à cette rencontre au sommet.
« Il s’agira notamment de renouer le dialogue entre le Chef de l’État et l’ancien Président de la République, mais aussi de créer des passerelles avec les autres acteurs politiques et les composantes de la société civile, qu’ils soient en RDC ou à l’extérieur », précise le communiqué.
Le CNSA salue au passage les efforts diplomatiques déployés par le Président Tshisekedi, notamment dans le cadre des négociations menées à Doha (Qatar) et à Washington, tant avec le Rwanda qu’avec les rebelles du M23. Pour le Conseil, ces initiatives internationales doivent s’accompagner d’un processus interne de réconciliation et de décrispation politique, garant d’un dialogue réellement efficace.
Soutiens religieux à la paix : le pacte des Églises
Parallèlement, la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du Congo) et l’Église du Christ au Congo (ECC), dans un rare élan commun, ont lancé un projet ambitieux : le « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Un appel national à la paix, qui vise à mobiliser la population et les leaders sociaux pour restaurer la cohésion dans un climat d’insécurité croissante.
Selon les leaders religieux, ce pacte est le fruit d’un long travail consultatif avec différents segments de la société, y compris ceux liés aux groupes armés et aux partenaires régionaux. L’initiative entend répondre à la lassitude collective face à la guerre, et à l’impératif de reconstruire le vivre-ensemble, au-delà des clivages.
Tshisekedi prudent, Kabila se positionne
Malgré ces appels insistants, le pouvoir en place continue d’accorder la priorité à la diplomatie régionale plutôt qu’au dialogue politique interne. Certains proches du Président estiment que les confessions religieuses ne devraient pas s’ingérer dans la sphère politique, ce qui freine la dynamique d’un dialogue national.
De son côté, Joseph Kabila ne reste pas inactif. L’ancien Président aurait manifesté son intention de revenir par la ville de Goma, fief stratégique aujourd’hui partiellement sous contrôle de l’AFC/M23, dans ce qu’il présente comme une démarche patriotique en quête de solutions à la crise.
Le CNSA, en prônant une médiation entre Tshisekedi, Kabila et d’autres figures politiques, remet sur la table l’idée d’une entente nationale face à une guerre qui ne cesse d’user la nation. Tandis que les voix religieuses s’élèvent pour exiger la paix, les lignes politiques restent figées, oscillant entre méfiance et calcul stratégique. Reste à savoir si la République saisira cette opportunité d’un sursaut collectif.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS