Tshopo : cris de détresse des femmes déplacées réunies par RSLF

À Kisangani, le mouvement Rien Sans les Femmes (RSLF) a donné la parole aux femmes et jeunes filles déplacées des conflits intercommunautaires Mbole-Lengola. Leurs récits brisés interpellent directement les autorités sur l’urgence d’une paix durable.
Ce samedi 27 septembre, la grande salle de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) à Kisangani s’est transformée en un lieu de mémoire et de douleur, mais aussi d’espérance. Sous la coordination provinciale de Madame Claudine Bela, Rien Sans les Femmes (RSLF) a réuni 35 femmes et 15 jeunes filles déplacées des sites de Konga-Konga, Sainte-Marthe et Saint-Gabriel. À l’occasion de la Journée internationale de la paix, célébrée chaque 21 septembre.
Les récits ont glacé l’assistance. Une adolescente de 16 ans, orpheline, devenue cheffe de famille malgré son âge, a pris la parole d’une voix tremblante :

« Nous vivons la moitié de l’enfer. Pour manger, nous devons tendre la main dans la rue. Moi j’ai perdu père et mère dans ce conflit. Je suis obligée de prendre soin de mes petits frères et sœurs, mais je ne sais plus par où commencer. J’appelle Son Excellence Monsieur le Président Félix Tshisekedi à nous venir en aide pour une paix durable. »
D’autres témoignages ont révélé l’horreur des violences sexuelles. Une femme a raconté :
« Moi, j’ai perdu mon mari et j’ai été violée. Après leur plaisir, ces hommes sans cœur m’ont mutilée. Je demande à toute personne de bonne foi de nous venir en aide. »
Une déplacée de Konga-Konga a ajouté avec amertume :
« Nous voulons retrouver la collaboration qui existait entre les Mbole et les Lengola, quand les mariages étaient possibles entre nous. Aujourd’hui, tout est détruit. Nous voulons rentrer chez nous. »
RSLF, témoin et relais des voix brisées


Face à ces récits, Madame Claudine Bela a expliqué la démarche du mouvement. Selon elle, cette rencontre s’inscrivait dans le cadre du projet TUFAULU PAMOJA, soutenu par l’ambassade de Suède en République Démocratique du Congo via CAFOD, et mis en œuvre par Rien Sans les Femmes et l’Union des Jeunes Congolais pour les Changements.
« Nous avons choisi de cibler les femmes et filles déplacées parce qu’elles sont les premières victimes des conflits intercommunautaires, mais aussi parce qu’elles sont artisanes de la paix », a-t-elle déclaré devant la presse.

Elle a poursuivi :
« Depuis novembre 2022, la Tshopo a été secouée par ces violences. Beaucoup de femmes ont perdu leurs maris, leurs parents, leurs biens. Certaines ont été violentées physiquement. Elles ne peuvent pas rester éternellement dans des sites de déplacés. Sans les femmes, la paix est impossible. »
Au terme des échanges, les déplacées ont décidé de créer des clubs de paix dans chacun des sites. Chaque club, animé par trois femmes élues par leurs pairs, travaillera à promouvoir le dialogue, à réfléchir à des solutions de cohabitation et à rédiger une note de plaidoyer destinée aux autorités locales et nationales.
Un cri qui appelle une réponse
Pour Mme Bela, ces initiatives doivent être soutenues et relayées :
« Ces femmes souffrent, ces filles souffrent, et ces enfants souffrent. Nous devons tenir compte de leurs spécificités et solliciter l’implication personnelle des autorités pour leur venir en aide. »
À Kisangani, les femmes déplacées refusent d’être de simples victimes invisibles. Leur cri, porté par Rien Sans les Femmes (RSLF), est désormais un message de résistance et d’espérance. Elles rappellent à la nation et à ses dirigeants qu’aucune paix durable ne peut être construite sans elles.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS
