RDC : La planification familiale à l’épreuve des faits

Réunis à Kinshasa autour d’un déjeuner de presse initié par le RJSSR, des professionnels des médias ont été briefés sur les enjeux structurels et politiques qui freinent l’accès aux services de planification familiale en République démocratique du Congo. Au cœur des échanges : le fossé croissant entre les engagements de l’État et la réalité vécue sur le terrain.
En République démocratique du Congo, la planification familiale est bien plus qu’un défi sanitaire : c’est un enjeu de développement, un indicateur de volonté politique, et un révélateur des inégalités persistantes. Le mardi 15 juillet 2025, à l’initiative du Réseau des Journalistes pour la Santé Sexuelle et Reproductive (RJSSR), un panel d’experts et de journalistes s’est penché, lors d’un déjeuner de presse à Kinshasa, sur l’état réel des politiques de PF (planification familiale) à travers le pays.
La Docteure Anne Marie Ntumba, directrice du Programme national de la santé de la reproduction (PNSR), n’a pas mâché ses mots :
« Si les engagements sont ambitieux, leur concrétisation demeure incomplète. Nous faisons face à une offre encore largement insuffisante, surtout dans les zones rurales. »
En toile de fond, une série de contraintes bien connues : sous-financement chronique, absence de personnel qualifié dans plusieurs régions, ruptures de stock récurrentes de produits contraceptifs, et surtout un déficit persistant de communication auprès des populations cibles.
Intervenant à son tour, le Dr Tony Mayawula de l’ABEF-ND (Association pour le Bien-Être Familial / Naissances Désirables), a mis en lumière la faible prévalence contraceptive moderne en RDC, qu’il attribue à la fois à des obstacles structurels et à un manque criant d’appropriation communautaire.
« La communication reste trop technique, trop institutionnelle. Il faut parler aux Congolais, dans leur langue, et sans jugement. La contraception ne doit plus être perçue comme un tabou ou une affaire d’ONG », a-t-il plaidé.
Dans un pays où les normes sociales et les croyances religieuses pèsent lourd sur les choix en matière de santé reproductive, les médias jouent un rôle crucial de relais et de médiation. L’appel lancé aux journalistes est clair : rompre avec les silences complices, s’emparer de la question, en faire un sujet de société. Plusieurs intervenants ont souligné que le traitement médiatique de la planification familiale reste souvent timide, faute de formation ou par peur de froisser certaines sensibilités. Or, l’information est un droit, et un vecteur de changement, ont rappelé les experts.
En s’engageant au sein du Partenariat de Ouagadougou, la RDC s’est fixé comme cap d’atteindre un taux de couverture contraceptive moderne de 30 % d’ici à 2030. Pourtant, selon les dernières données disponibles, le pays stagne en dessous des 20 %, malgré une demande croissante, notamment chez les jeunes et les femmes en situation de précarité. Un constat qui interroge, d’autant plus que l’accès à la contraception est désormais reconnu par l’OMS comme un droit fondamental lié à la santé, à l’autonomie des femmes, et à la justice sociale.
En clôture, plusieurs recommandations ont été formulées : intégration systématique de la PF dans les politiques publiques locales, renforcement du budget national alloué à la santé reproductive, et surtout implication active des médias comme partenaires à part entière de cette révolution silencieuse.
La planification familiale ne se résume pas à des statistiques : elle touche à la vie, à l’avenir et à la dignité des millions de Congolaises et Congolais. Ignorer ce chantier, c’est accepter que des jeunes filles tombent enceintes trop tôt, que des femmes meurent en couches, et que des familles sombrent dans la misère.Il est temps de sortir du confort des promesses pour entrer dans l’urgence de l’action.

Journaliste|PDG du média YOKA INFOS